Liu Binyan, Le cauchemar des mandarins rouges

Un billet de Lucie Mirouze

Liu Binyan, « Le cauchemar des mandarins rouges, journaliste en Chine », Au vif du sujet, Gallimard, Paris, 1989

Liu Binyan est un journaliste et écrivain dissident chinois connu comme étant le maitre de la « littérature de reportage ». Son œuvre se concentre sur les contradictions de la société chinoise sous le pouvoir communiste et tente de redresser le système de l'intérieur. Il enquête notamment sur la corruption, les abus de pouvoir et la répression en montrant les victimes de ce système. Écrivain des plus admirés il sera aussi la victime de son œuvre quand il est considéré comme un droitier pendant la Révolution culturelle de 1966 et plus tard quand il sera exilé aux États-Unis où il mourra.

C'est en 1979 qu'il publie Cauchemar des mandarins rouges, un livre qui parle de tout ce qu'il combat : abus de pouvoir, corruption, victime du système... Dans l'extrait étudié, l'auteur cherche à nous montrer les contradictions du système au travers de deux exemples de sans parti. Un intellectuel nommé Chen Shizhong et un soldat nommé Ni Yuxiang, qui oseront dire ce qu'ils pensent en critiquant le système.

Chen Shizong est un brillant étudiant qui va être déçu de la politique gauchiste de Mao auquel il décide d'écrire une lettre. Il y dénonce le danger de ne pas admettre que le parti communiste puisse faire des erreur et l'aveuglement de tout ceux qui suivent Mao sans le contredire. Cette lettre ainsi que sa prise de position le feront passer pour un contre-révolutionnaire actif et lui coûtent huit ans de prison.

Ni Yuxian est un jeune soldat passionné de marxisme-léninisme qui va également être déçu de la politique gauchiste de Mao et lui écrira aussi une lettre. Déchu de l'armée, il s'engage dans la Révolution culturelle, dans un premier temps, puis finira par protester et dénoncer Lin Biao et la Bande des Quatre ce qui lui coute aussi la prison.

Deux destins différents dans deux lieux différents qui reflètent pourtant une même histoire, celle de la prise de position de deux sans parti qui vont passer leur vie à aider et à défendre les victimes d'un système qu'ils vont chercher à réformer de l'intérieur. Malgré les injustices qu'eux-même vivront ils font office d'exemple pour la Chine par l'aide qu'ils apporteront et la persistance de leur combat.
L'auteur conclut qu'il y a deux types de loyauté, ceux qui suivent les dirigeants sans discuter leurs actions et ceux qui cherchent l'autocritique pour mieux faire avancer le système. C'est dans cette seconde catégorie, plus risquée et moins reconnue, que se situent les deux sans parti.

Liu Binyan base son texte sur le témoignage de ces deux personnages et sur ses recherches en tant que reporter. Ces histoires permettent à l'auteur d'illustrer tout ce qu'il combat et de revenir sur une certaine réalité qui n'est pas assez montrée.

Il illustre aussi le combat de sa vie, sa volonté de montrer les contradictions du système à l'époque de la Révolution culturelle de Mao Zedong qui pousse la Chine à repousser les élites culturelles et à purger le parti communiste chinois. En résumé, ce texte permet de voir cette radicalisation des positions de Mao que Chen Shizhong avait prédit et qui se produira.