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2016/03/07

Lointains héritiers de la Charte 77, des intellectuels chinois lancent la Charte 08

Billet de Ana Block

Jean-Philippe Béja, « Lointains héritiers de la Charte 77, des intellectuels chinois lancent la Charte 08 », Esprit, 2009/2 Février, p. 130-134.

Jean-Philippe Béja est un grand spécialiste de la Chine. Ses travaux portent sur le mouvement pour la démocratie et les transformations de la société et du système politique chinois. Il est directeur de recherche au CNRS, Céri-Sciences Po, sinologue, politologue, journaliste et traducteur.
L’article réalise une analyse comparative entre la Charte 77 tchécoslovaque et la Charte 08 chinoise afin de comprendre la réaction et l’intervention si visible du pouvoir chinois.

Un peu d’histoire…

242 intellectuels tchécoslovaques signent la Charte 77 en janvier 1977. Le manifeste s’appuie sur la Constitution tchécoslovaque et la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU pour faire pression sur les autorités et réclamer le respect des lois en vigueur.

Le 9 décembre, plus de 300 personnalités chinoises, dont les dissidents Liu Xiaobo et Zhang Zuhua, diffusent sur Internet la Charte 08 dans laquelle ils appellent à l’instauration d’une véritable démocratie en Chine. Ce manifeste sera signé par plus de 10 000 personnes : intellectuels, juristes, militants, universitaires, mais aussi « petits cadres du Parti ». Bien sûr, la Charte 08 fait référence à la Charte des dissidents tchécoslovaques.

Béja commence l’article par une description de la Charte 08, notamment la journée symbolique de diffusion, qui accumule les références (à savoir, le 60e anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme) et la « qualité » des signataires qui viennent de plusieurs horizons.
L’article propose par la suite une explication de la « nervosité » des dirigeants du Parti : le contexte est critique et regorge de scandales (lait pour les nouveaux nés), des ravages de la crise financière mondiale (chômage, faillites, corruption des cadres) et des anniversaires symboliques (révolte de Lhassa, mouvement du 4 mai 1919, mouvement démocratique de 1989). La Charte est une provocation qui explique l’arrestation des dissidents.

Par la suite, Béja compare les deux Chartes. Les deux manifestes ont en commun la qualité du statut des signataires (qui viennent de tous les horizons), le thème de l’engagement sur les droits de l’homme, la cause des problèmes (à savoir, l’éloignement que le Parti a effectué vis-à-vis de ses principes).

Le point le plus important de différenciation entre les deux manifestes est sans aucun doute les moyens pour arriver à la démocratie. La version chinoise décrit un programme en 19 points sur l’instauration de la démocratie, des libertés fondamentales, de la protection de l’environnement; alors que la version tchécoslovaque ne va pas si loin.

Notons par ailleurs que la version chinoise traite d’autres sujets : la thématique sur les valeurs universelles opposées aux valeurs traditionnelles chinoises, et en même temps les principes fondamentaux vs la tradition chinoise « qui valorise le despotisme éclairé ».

Ce texte permet de comprendre l’originalité des intellectuels chinois lorsqu’ils lancent la Charte 08 qui réutilise un puissant moyen de protestation de la société civile pour lutter pour la liberté.

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