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2015/03/30

Que pense la nouvelle Chine?

Texte de Mégane Visette

Léonard, Marc et Barthélémy Courmont. « Que pense la nouvelle Chine? », Monde chinois,  2012/4 N° 32,  p 54-65. 

Barthélémy Courmont est un chercheur français en relations internationales, professeur de science-politique à l’Université Hallym en Corée du Sud. Directeur du magazine Monde Chinois, il fut également professeur à l’UQAM et chercheur associé à l’IRIS. Développant les concepts de guerre asymétrique et de soft power au cas chinois, il s’intéresse surtout aux questions de sécurité en Asie du Nord-Est et de politique étrangère américaine. Mark Leonard, quant à lui, est co-fondateur et directeur de l’European Council of Foreign Relations (ECFR), un Think Tank européen. Il a vécu à Washington et à Beijing en tant que professeur invité à la Chinese Academy of Social Sciences. Il porte un intérêt particulier au futur européen, à la politique interne chinoise, et à l’impact d’internet dans la pratique diplomatique. Avec deux livres à son actif; « Why Europe will run the 21st century » et « What does China think? », traduits en 15 langues, Mark Leonard a écrit le texte que nous allons présenter comme l’introduction d’une récente publication de l’ECFR appelé China 3.0, visant à dresser un portrait de la nouvelle Chine grâce à une collection de témoignage de différents auteurs chinois. L’intégralité de la publication, ainsi que des reportages vidéos sont disponibles ici

Le but de ce texte est d’illustrer les différentes écoles de pensée de l’élite chinoise dans un contexte de renouveau chinois. Dans la mentalité chinoise, la Chine est sujette à un changement de cycle tous les 30 ans. Nous sommes donc passés de la Chine 1.0 de Mao Zedong et son économie planifiée à une version 2.0 sous Deng Xiaoping et la recherche du développement du pays. Aujourd’hui, les trois piliers élaborés par les politiques de Deng – stabilité, richesse et puissance - sont la source de crises sociales, politiques et économiques qu’il faut résoudre dans l’avènement de la Chine 3.0. Mark Leonard tente de répondre à notre questionnement sur les solutions abordées par les intellectuels des différentes branches politiques et économiques. Pour se faire, il résumera les publications de différents intellectuels influents utilisés dans la recherche Chine 3.0  de l’ECFR, mais également des publications d’internautes et de médias chinois sur la question.

La crise de richesse accuse d’une absence de protection sociale au profit d’une croissance économique englobant des coûts faibles pour investir dans l’infrastructure, et le système de hukou pour baisser les dépenses sociales avec exportation à bas prix. Pour la nouvelle gauche, le modèle de Chongqing, véritable laboratoire de réformes socialistes, serait leur version du modèle de Shenzhen des néo-libéraux des années 1990. Il faudrait stimuler la demande (soutien à la population) au lieu de stimuler les réformes de l’offre (entreprises et industries). De plus, le développement d’une « économie souterraine » et de corruption ne donne généralement pas fière allure aux projets de réforme générale du système. Selon l’auteur, à vouloir trop garder la stabilité, il y a un accroissement des tensions sociales. Il parle du « piège de la stabilité », qui ne prévoit pas le maintien de la légitimité lors d’une baisse de croissance. Une solution démocratique à la crise de stabilité serait le modèle du Guangdong, avec des élections populaires pour trouver une solution aux problèmes de paysans se retrouvant sans terres. Bien qu’il y ait un désir d’institutionnalisation du régime chinois, il reste un manque de confiance dans les systèmes d’élection. Pour les libéraux économiques, l’élément central de la prise de décision serait la consultation, c’est à dire des réunions d’experts et des enquêtes et non des élections en tant que tel. D’autres intellectuels émettent leurs craintes sur le risque de bureaucratisation, de corruption et de népotisme du leadership; il faudrait donc un leader charismatique pour garder la légitimité de la direction. La Nouvelle gauche, prenant en phobie ce système étatique corrompu, veut pousser à l’autonomisation des masses. Selon Wang Hui, Internet serait une solution pratique à la crise de la stabilité, en étant le moyen d’expression pour le peuple, mais en même temps le lieu de sondage pour le gouvernement; la durée de vie de l’État-parti dans cet échange en serait donc allongée, en plus du jeu de censure et de clonage de l’information actuel. Finalement, en ce qui attrait à la crise de puissance du pays,  les intellectuels vacillent entre garder un profil bas selon les politiques de Deng Xiaoping, ou s’affirmer sur la scène internationale. La tendance générale va cependant vers les nationalistes autoritaires comme Yan Xuetong, qui imaginent un monde bipolaire futur avec une Chine qui se retrouvera être la seule rivale des États-Unis grâce à son économie, s’accaparant des mêmes devoirs d’intervention que son rival. Les pressions intérieures nationalistes, en somme populaires, prônent l’utilisation de l’économie chinoise à des escients militaires et politiques, et ne plus se courber face aux décisions de l’Occident (internautes et publications). Il y a donc un jeu constant entre les pensées intellectuels et l’opinion publique, et ce grâce à l’utilisation effective d’internet par le gouvernement. 

Ce texte s’insère donc bien dans le cours par son illustration des différents clivages intellectuels et les sources de ceux-ci. De plus, il nous permet de passer au-delà d’une vision binaire entre réformateurs pro-occidentaux et conservateurs maoïstes. Il importe en effet de sortir des préjugés passés sur la Chine et analyser ce qu’est la nouvelle Chine post-Deng Xiaoping; la Chine 3.0.

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