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2015/03/30

Citizen Ai: Warrior, Jester, and Middleman

Texte de CONGOST Antoine

William A. Callahan. « Citizen Ai: Warrior, Jester, and Middleman ». The Journal of Asian Studies / Volume 73 / Issue 04 / November 2014, pp 899 – 920, Published online: 20 November 2014.

William A. Callahan est professeur de politique internationale à l'Université de Manchester et co-directeur du British Inter-university China Centre à Oxford. Ses travaux se concentrent sur la politique internationale en Asie de l'Est, dont la politique étrangère chinoise. Il s'intéresse particulièrement aux interactions entre idées et politiques et entre sécurité et identité. Il est l'auteur de plusieurs livres tels que Cultural Governance and Resistance in Pacific Asia (2006) ou China: The Pessoptimist Nation (2010). Dans cet essai consacré à Ai Weiwei, on retrouve bien les thèmes de résistance culturelle et d'interactions entre les idées, celles des artistes et des intellectuels, et le monde politique.

Comment comprendre Ai Weiwei, cette figure de l'activisme artistique et politique si iconoclaste et parfois contradictoire dans ses actions ? C'est la question à laquelle l'auteur entend apporter une réponse. Ai Weiwei est l'un des artistes contemporains les plus importants au monde. A travers des œuvres variées et irrévérencieuses – photos de nus, exposition de graines de tournesol, ...-  ou des actions politiques plus directes – Charte 08, organisation de rassemblements citoyens – il provoque et critique le gouvernement chinois, qui l'a d'ailleurs fait arrêter, temporairement, en 2011. Il agit également beaucoup sur internet. Comment dresser un portrait juste de ce personnage aux multiples facettes, et comment comprendre ses interactions et son rôle vis-à-vis de l’État chinois et de la société civile ?

Pour répondre à ces questions, l'auteur se réfère évidemment aux différentes œuvres, actions et déclarations de l'artiste, mais aussi, de façon surprenante, à un éventail d'auteurs classiques tels que Shakespeare, Nietzsche ou Sunzi. Il évoque beaucoup de chercheurs occidentaux et chinois, ainsi que des critiques d'art. Il se sert aussi beaucoup d'une comparaison avec le cinéaste progressiste Jia Zhangke pour mieux les différencier et identifier les caractéristiques de Ai. Il tente de confronter la façon dont l'artiste se décrit lui-même à l'ensemble de son œuvre et de sa vie.

La réponse de William A. Callahan tient en grande partie dans le squelette de son texte : il est divisé en trois grandes parties, soit trois interprétations complémentaires de l’œuvre de Ai Weiwei. L'artiste est en effet tour à tour un ardent combattant du pouvoir étatique, un bouffon jouant avec le pouvoir mais travaillant aussi parfois pour lui, et un homme rassembleur, entre « l'Occident et l'Orient, les générations, et la société civile et l’État ». D'une part, il critique ardemment l'aspect totalitaire du pouvoir chinois en retournant ses armes contre lui, par exemple lorsqu'il transforme sa mise sous surveillance en œuvre à part entière en mettant volontairement des caméras chez lui et en invitant les policiers chargés de sa surveillance à y prendre part. D'autre part, il est lui-même issu de l'aristocratie communiste, et son succès est directement lié à ses moqueries du pouvoir, et en ce sens il dépend de ce dernier. Enfin, en partie par son utilisation d'internet, il joue un rôle rassembleur dans le milieu artistique, civil et politique : il aide les réseaux artistiques, organise des mouvements citoyens comme après le tremblement de terre de 2008, ou travaille directement avec l’État, comme à l'occasion des JO de Pékin. La conclusion finale de l'auteur est que ces trois facettes se retrouvent dans une seule, celle du « Ai, citoyen intellectuel » : il participe à l'émergence d'une nouvelle société civile en Chine. Son rôle n'est pas binaire, il ne s'inscrit pas que dans une dynamique d'opposition entre dissidents et gouvernants, mais plutôt dans celle d'une interaction complexe entre intellectuels, société civile, et État. En même temps qu'il s'oppose au pouvoir, il s'appuie sur les opportunités que ce dernier lui offre, en se faisant parfois utiliser lui-même, tout en sensibilisant la société. 

L'auteur veut ici nuancer les interprétations du statut de l'artiste, qu'il juge comme étant trop souvent simplistes. La position de Ai Weiwei est en effet ambiguë, car son œuvre dépend d'une matrice constituée par son activisme, ses relations avec le pouvoir, et une multitude d'autres acteurs comme les artistes, les intellectuels ou le reste du monde. Son originalité tient dans le fait qu'il démontre l'importance cruciale des intellectuels, dont Ai fait partie, dans la construction de la société chinoise post-socialiste : en Chine, ils font le pont entre l’État et la société civile car ils sont liés aux deux. Ils « apprennent » à la société civile à interagir avec l'État.
Le texte a également le mérite de montrer l'étonnante flexibilité du Parti vis-à-vis de la dissidence : les intellectuels jouissent en fait d'une relative liberté et les artistes ne sont plus censurés de façon systématique, ils sont même parfois utilisés.
Secondairement, l'auteur dresse ici un portrait critique extrêmement documenté et novateur d'un artiste contemporain majeur et se son rapport au pouvoir.

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