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2015/03/23

Citizen Ai: Warrior, Jester and Middleman

Texte de Matthieu Daiki

William A. Callahan, "Citizen Ai: Warrior, Jester and Middleman" ARI Working Paper Series  #212, January 2014.

William A. Callahan est professeur de politique internationale et d'études chinoises au département de politique de l'université de Manchester, au Royaume-Uni. Il est aussi co-directeur du BICC, le British Inter-University China Center, qui permet la collaboration de spécialistes issus des universités de Manchester, Bristol et Oxford. Dans les fonctions qu'il occupe, William A. Callahan s'intéresse particulièrement aux questions de politique étrangère, de sécurité et d'identité, ainsi qu'à la relation entre les idées et les politiques menées. Il porte donc un œil averti sur la scène intellectuelle chinoise. 

Vu d'Occident, cette scène est dominée à l'heure actuelle par la figure d'Ai Weiwei, perçu comme un dissident majeur usant de toutes les ressources mises à disposition par internet et les médias.  William A. Callahan pose d'abord le constat du paradoxe Ai Weiwei, loué en tant qu'activiste par certains, vu par d'autres comme un dissident de pacotille, qui travaille de concert avec l'Etat -par exemple pour le Bird's Nest- et jouit par ailleurs d'une couverture médiatique exceptionnelle. De façon à mieux saisir la figure d'Ai Weiwei, William A. Callahan propose au lecteur quatre narrations, décrivant quatre facettes du personnage. 

La première narration est celle d'Ai le combattant ("the heroic warrior"). Ai Weiwei considère le régime comme dictatorial, voire totalitaire. Son combat (l'auteur évoque beaucoup Sun-Tzu pour en décrire la stratégie) prend quasiment les atours d'une lutte manichéenne, commencée dès les années 1970. Dissident du XXIe siècle, Ai Weiwei trouve sur internet un écho à son combat politique et artistique, confondant vie publique et vie privée.  La deuxième narration est celle d'Ai le bouffon ("the Jester"), celle d'un amuseur public, toléré par le Roi, et qui seul s'autorise à le critiquer. Une position entre deux eaux, périlleuse par conséquent, et qui pose la question de la collaboration avec le régime. La troisième narration est celle d'Ai l'entremetteur ("the Middleman"), celui qui fait se rencontrer les artistes et qui relie le peuple et l'Etat. Enfin, sorte de combinaison des trois précédentes facettes, Ai le citoyen ("Citizen Ai"), qui apporte une homogénéité aux trois personnages précédent, et permet de résoudre les paradoxes de l'action d'Ai Weiwei.  

Chaque narration est accompagnée d'une nuance ou d'une critique : en terme de dissidence, on est loin du "canon" est-européen, qui opposait de façon claire l'Etat oppresseur et le dissident vaillant, généralement un intellectuel menant de front la bataille politique sans jamais rien concéder au régime. Les intellectuels chinois sont avant tout des "intellectuels citoyens" qui profitent de l'envol socio-économique de la Chine pour choisir de collaborer ou non avec l'Etat, et qui se sentent une responsabilité vis-à-vis des droits et libertés de leurs concitoyens à l'heure où le pays se transforme. 
Quant à la supposée bouffonnerie d'Ai Weiwei, non seulement elle vient d'un homme qui n'est pas sans lien avec le système (son père était un poète apprécié de Mao), mais elle s'adresse aussi en partie à l'Occident. Ensuite, son rôle d'entremetteur vient en faire un homme de réseautage plus qu'un intellectuel, engagé dans une lutte héroïque.

Cette quadruple narration proposée par William A. Callahan permet donc de comprendre Ai Weiwei et aussi de mieux saisir la spécificité de la dissidence en Chine. 

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