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2016/03/08

Xu Jilin, Valeurs universelles ou valeurs chinoises?

Billet de Patrick Wiley

                Xu Jilin (1957-) est un professeur au département d’histoire à l’Université Normale de la Chine de l’Est à Shanghai.  Il s’est majoritairement intéressé aux sujets de la pensée et de la culture chinoise lors du 20e siècle.  Au sein de ces grandes thématiques, il s’est notamment penché sur le modèle à adopter, face à l’expansion de la civilisation occidentale.  Il a œuvré aux États-Unis, en Europe et, bien sûr, en Chine, ce qui lui donne une certaine crédibilité de traiter des différences idéologiques et culturelles entre l’Orient et l’Occident. C’est justement l’idée développée dans plusieurs de ses œuvres.

           Dans « Valeurs universelles ou valeurs chinoises? Le courant de pensée de l’historicisme dans la Chine contemporaine », Jilin a opposé deux idéologies, l’historicisme chinois et l’universalité occidentale.  De par définition, l’historicisme est l’étude de phénomènes et d’événements du point de vue de leur développement historique.  D’autre part, l’universalité place les événements dans une logique de concepts universels.  Jilin a divisé son article en quatre, de sorte à relater l’évolution de la Chine au rang de puissance mondial de nos jours. La première section explique le problème, de sorte que le lecteur puisse bien comprendre l’article.
Xu traite du phénomène des Lumières pour expliquer ce concept d’universalité. Au 18e siècle, des humanistes stipulaient la raison humaine comme moteur de l’histoire.  Jilin affirme : « Le courant d’idées de l’historicisme est une réaction au mouvement des Lumières »[1]. L’idée centrale de l’historicisme est que l’homme n’a pas de nature originaire, mais est bien un produit de l’Histoire. Les philosophes Friedrich Nietzsche et Friedrich Hegel ont notamment appuyé cette idée selon laquelle l’Homme est libre, sans être borné par des concepts universels. Tout au long de son article, Jilin a traité de la modernité.  La Chine se voyait envahie par les principes dits universels de la civilisation, et elle n’avait qu’à s’y conformer pour entrer dans le monde moderne.  En quelque sorte, l’historicisme chinois a été créé pour s’opposer à l’universalisme des peuples occidentaux.  Jilin traite du cas allemand pour appuyer la Chine. Lorsque les intellectuels français et anglais ont tenté de diffuser leur pensée en Allemagne, leurs homologues allemands s’y sont opposés au nom de la Kultur (différence et spécificité des nations), plutôt que d’adopter les principes de civilisation universelle des Français et des Anglais.  Ce dernier la résume très bien la croyance de l’historiciste chinois: « Tout ce en quoi il croit, c’est en lui, en la volonté surhumaine de créer ses propres valeurs »[2]. La seconde section s’intitule justement « Un "discours sur la spécificité chinoise" centré sur la puissance et la prospérité ».
            Cette section traite spécifiquement du cas chinois, où Jilin semble embellir le modèle chinois. En 2008, le monde, dit Xu, découvrait la Chine grâce aux Jeux Olympiques de Pékin.  La Chine comptait alors sur un développement économique durable, un gouvernement en contrôle du marché intérieur, une souveraineté économique internationale, des finances décentralisées, une nouvelle voie de démocratisation et un parti politique pragmatique.  Toutes ces caractéristiques faisaient en sorte que la Chine, dès le 21e siècle, puisse rivaliser avec l’Occident. On dit alors que la Chine était devenue universellement reconnue dans le monde.
            Les troisième et quatrième sections stipulent un autre type d’opposition.  Après les Jeux de Pékin, la Chine a accédé au rang de puissance mondiale, et avait donc l’opportunité et les ressources nécessaires pour devenir LA puissance mondiale. L’opposition orient-occident est donc devenue une lutte hégémonique. Xu qualifie le phénomène de « leadership du discours de l’universalité ». Il glisse ensuite quelques paragraphes sur l’arrogance du discours historiciste chinois. L’historiciste chinois prône alors que, puisque la Chine est la puissance mondiale, ce sont ses propres valeurs qui doivent être publiées dans le monde. Il présuppose que le bien chinois et le bien occidental doivent nécessairement s’opposer. Que les valeurs chinoises et les valeurs occidentales ne sont absolument pas compatibles et ne le seront sûrement pas.
            Pour terminer, c’est cette arrogance qui révèle l’opinion de Xu.  Tout au long de l’article, il avait pris parti pour résister contre cette « invasion occidentale », mais, dans sa conclusion finale, nuance son propos.  Il dit : « Mon opinion est que la Chine devrait reconstruire des valeurs chinoises dans la perspective de la civilisation universelle ».  Il s’oppose donc à l’arrogance chinoise du 21e siècle. Personnellement, je crois que cette nuance est bénéfique, puisque c’est cette arrogance-même de la part des occidentaux qui avait poussé la Chine à s’indigner contre le concept d’universalisme. De plus la structure du texte est telle que le lecteur peut suivre un ordre chronologique et logique dans l’ordre des idées.
           

[1] P. 53
[2] P. 56

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