From Nonperson to Public Intellectual: The Life and Works of Yu Jianrong

Texte de Nicolas Garnier

Eva Pils et Marina Svensson, "From Nonperson to Public  Intellectual: The Life and Works of Yu Jianrong," Contemporary Chinese Thought, vol. 45, no. 4, Summer 2014, pp. 3–17.

Eva Pils s’est jointe au King’s College London en Septembre 2014. Elle a étudié le droit, la philosophie et la sinologie à l’Université d’Heidelberg , de Londres er de Beijing. Elle est co-fondatrice du Centre for Rights and Justice à l’Université Chinoise de Hong Kong, où elle est professeure associée. 

Marina Svensson a reçu un doctorat de l’Université de Lund, où elle a notamment étudié le chinois, les études asiatiques et l’histoire. Elle est professeure d’Études sur la Chine moderne depuis 2014. Sa recherche porte princiapalement sur la société chinoise moderne.

Le texte à l’étude est une introduction portant sur l’intellectuel chinois Yu Jianrong. Elle paraît dans le cadre d’une traduction d’une série d’article de Yu. L’article nous guide à travers la biographie de Yu, son œuvre diversifié ainsi que sur la place qu’occupent les intellectuels dans la Chine à l’âge de l’internet. 



Yu Jianrong naît en 1962 dans la province d’Hunan. Son enfance est particulièrement difficile, son père faisant partie ‘’mauvais élément ‘’ durant la Révolution Culturelle. Ceci vaut à Yu le statut de ‘’sans papier’’, ce qui amène une exclusion sociale, de la pauvreté, mais aussi des difficultés à intégrer le système scolaire. Cette embuche due à la situation politique imposée à son père marque Yu, et forge ses idéaux sociaux. Il développe de l’empathie pour les exclus et les marginalisés de la société. Malgré ses difficultés, il réussit tout de même à accéder à l’Université Normale d’Hunan en 1979. Après sa graduation, il œuvre en tant que journaliste jusqu’à son expulsion dans le cadre de la campagne anti-libérale de 1987. En 1991, il obtient une licence de droit et pratique ce métier, se spécialisant dans le droit commercial. Ayant accumulé assez d’argent pour se sentir libre de contraintes financières, il complète un doctorat en étude rural. C’est alors qu’il intègre l’Académie Chinoise des Sciences Sociales (ACSS) que son rôle d’intellectuel public se constitue
L’intellectuel public se caractérise par une certaine autonomie intellectuelle et par son désir de discuter des enjeux d’intérêts publics. Yu répond bien à cette définition. Une des particularités de  Yu, est qu’il est aussi à l’aise dans le monde académique, que dans le rôle de commentateur public. Il est capable de marcher sur cette mince ligne entre exposer ses points de vue et la censure gouvernementale. Son poste à l’ACSS, lui confère une crédibilité qui lui donne accès à des officiels du gouvernement. Ceci lui ouvre la porte sur une partie de l’enjeu. Cependant, il n’hésite pas à critiquer les actions gouvernementales, à exposer des injustices, tel que la situation des pétitionnaires, qui sont souvent emprisonnés pour avoir soumis un grief. 

Yu publie ses opinions de plusieurs manières, presse traditionnelle, écrits académiques, livres, mais c’est surtout avec le site de micro-blog Weibo Sina, qu’il parvient à trouver son plus large auditoire. Il compte aujourd’hui plus d’un million d’internautes qui le suivent sur Weibo. En plus d’articles, il expose des photos et vidéos qui démontrent de façon frappante les situations qu’il critique. 
Pour avoir un réel impact sur l’avenir de la Chine, les intellectuels ne peuvent se restreindre à un rôle purement académique, ils doivent s’impliquer dans les débats qui affectent le peuple. C’est ce que fait Yu, il peut démontrer une combativité pour défendre ce en quoi croit, comme en témoigne son altercation verbale avec un secrétaire du Parti de Wanzai. Tout en exposant des situations sociales déplorables et proposer des réformes, il réussit à naviguer le système de censure de plus en plus raffiné de l’État chinois. 

Ce texte nous démontre bien  l’usage des nouvelles technologies faites par les intellectuels chinois pour participer au débat public. Il illustre aussi que malgré la censure, les débats idéologiques en Chine restent très diversifiés, incluant la mouvance libérale à laquelle adhère Yu Jianrong et qu’il y a possibilité d’émettre des opinions sans encourir une peine de prison ou la perte de son emploi.