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2015/01/24

Après le rêve américain, le rêve chinois ?

Texte de Milan Bernard

Alice Béja, « Après le rêve américain, le rêve chinois ? », Esprit, 2014/8 Août/septembre, p. 71-81.


Alice Béja est spécialiste des États-Unis et secrétaire de rédaction de la revue Esprit. Reconnue pour son travail concernant les liens entre la fiction et le politique dans la période de l'Entre-Deux-Guerres américaine, elle offre donc une perspective analytique étatsunienne à l’étude de l’influence croissante de la Chine, perçue comme concurrençant Washington jusqu’au contenu même de son discours et à l’étendue de son soft power.  


L’auteure expose le concept de « rêve chinois » et cherche à expliquer cette comparaison, certes un peu simpliste, entre celui-ci et le « rêve américain » et tente de comprendre en quoi consiste-t-il. S’agit-il d’une simple copie de l’American Dream, d’une tentative d’utiliser cet outil d’influence comme l’ont fait les États-Unis par le passé pour accroître leur puissance et atteindre une position hégémonique? 


Globalement, le texte présente une approche comparative, mettant en parallèle les États-Unis et la Chine. Dès le départ, elle expose cette dualité : d’une part, l’American Dream est une idée ancrée dans l’image profonde de la construction des États-Unis, tant au niveau interne qu’externe, et de l’autre, une invention plutôt récente, d’il y a environ deux ans, du président Xí Jìnpíng, extrêmement centralisée par l’autorité étatique. De manière plus précise, l’auteure fait un survol de tous les aspects entourant l’actualité chinoise, principalement au niveau politique, mais également au niveau militaire, stratégique et culturel. Pour se faire, Béja se base en même temps sur les évènements concrets, la rhétorique des dirigeants et du Parti Communiste chinois et les différents discours sur le concept de « rêve chinois ». 



Le « rêve chinois » du Parti Communiste ne copierait donc que son équivalent américain que dans sa dimension de réussite matérielle : pour Béja, c’est avant tout un outil d’influence, de propagande à la fois nationale et internationale. Son contenu conceptuel est peut-être flou, mais s’insère sans aucun doute dans la continuité de l’ère post-maoïste initiée par Dèng Xiǎopíng : renaissance de la « Chine éternelle », puissance croissante, permettant la liberté économique et s’appuyant sur les valeurs chinoises traditionnelles, mais excluant toutefois la « Cinquième Modernisation », c’est-à-dire la démocratie, élément culturel occidental. 


En énonçant le point de vue des différents acteurs, Alice Béja mentionne que certains voient dans l’ambiguïté du contenu du « rêve chinois » une ouverture à des interprétations multiples, voire anti-régime. Pourtant, il ne faut pas se faire d’illusion : le rêve est celui du pouvoir, du Parti, dont les frontières strictes rejettent la dissidence et l’opposition et tracent clairement ses limites. 


Par son approche comparée, Béja fait la synthèse des données sur le concept de « rêve chinois », touchant à tous les aspects potentiels de sa mise en forme. Par ce court portrait, elle vient démontrer le projet actuel du pouvoir chinois : homogénéité interne, retour à un idéal perdu d’un Empire puissant et hégémonie régionale. 


L’intérêt du texte vient principalement du fait qu’il résume bien l’état dans lequel est la Chine en ce moment : le pays n’est plus le même qu’il y a 10, 15 ou 20 ans, et doit s’adapter à son nouveau statut. Béja brosse un portrait complet, en utilisant la rhétorique mise de l’avant par Xí Jìnpíng comme prétexte pour illustrer la rivalité entre les deux plus importantes puissances économiques du monde. 

Il est intéressant d’approfondir le travail de comparaison de Béja, car la Chine semble être dans la logique de « tit for tat » par rapport au pays de l’Oncle Sam : ce que les États-Unis ont comme outils de de pouvoir et d’influence internationale, la Chine tente également de l’obtenir. En effet, au niveau économique, peu abordé par l’auteur, la Chine va par exemple proposer au Consensus de Washington celui de Běijīng, notamment dans ses initiatives sur le continent africain. 

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